Paris,
Jour après jour, depuis la cour, j’observe la vie et le travail des artisans de l’Atelier Renard. Je ne suis pas le seul, d’ailleurs : chaque nouvelle pièce suscite l’émoi et l’admiration de toutes les plantes de la cour. Mais c’est moi qui ai la meilleure place pour les observer : mes branches sont juste en face de l’établi, je vois tout par la baie vitrée.
On parle d’un savoir-faire unique, transmis en secret de génération en génération, jalousement gardé. Je vais vous confier quelque-chose : j’ai ma petite idée sur ce secret. A mon avis, il réside dans l’intelligence des mains de ses artisans. Si vous savez rester discret, je vous invite à observer avec moi, vous verrez vite ce qui me fait dire ça.
Regardez ces mains qui s’agitent avec dextérité pour manipuler le cuir, le travailler et le transformer tantôt en sac, tantôt en portefeuille ou tout autre objet. Tour à tour souples comme des roseaux ou fermes comme une pince, les paumes se tournent, s’ouvrent et se ferment. Du bout des doigts les mains saisissent, lissent, affinent, pressent, cousent et caressent avec tendresse le cuir adoré. Ah, si seulement j’avais des mains ! Mes branches souples, mes feuilles toujours vertes et mes fleurs en rosaces parfaites, certes c’est élégant, mais si peu pratique.
Un sac entièrement cousu à la main représente un travail minutieux qui nécessite non seulement des mains, mais aussi du temps. Beaucoup de temps. Pour fabriquer ne serait-ce qu’une pièce de l’Atelier Renard, les mains devront répéter les mêmes gestes un nombre incalculable de fois pour transformer ces morceaux de cuir que vous voyez là en un superbe sac au luxe discret, ou un portefeuille qui saura se faire remarquer.
Laissez-moi vous conter les mille et une petites étapes nécessaires à la fabrication d’un sac à l’Atelier Renard, la série de gestes accomplis à chaque fois par ces mains, avec une précision et une douceur étonnantes.
Tout d’abord, les mains expertes découpent les différents cuirs, extérieurs, intérieurs, les renforts. Ici tout est en cuir, même ce qui ne se voit pas. Selon que le sac sera retourné ou sellier, la coupe est différente. C’est une phase essentielle du travail. Le cuir doit être ferme, sans défaut. Il en va de la qualité de la réalisation.
Après la coupe, vient la refente. Il s’agit d’amincir le cuir à l’aide d’une machine, une refendeuse !! Qu’il s’agisse d’un corps, d’un soufflet, d’une doublure, d’une poche, d’une poignée... Chaque morceau a sa propre épaisseur.
Après un bon café, vient le moment de la préparation, de l’encollage, de la surtaille. Les intérieurs avec les différentes poches sont réalisés en fonction de ce qu’a demandé le ou la cliente.
Quand tout ce travail est fini, le sac peut être monté.
S’il est sellier, il sera monté à l’endroit pour pouvoir être cousu à la main. Je vous expliquerai en détails pour l’avoir souvent observé ce qu’est le vrai savoir-faire sellier.
S’il est retourné, on parle aussi de sac «soft», il sera monté à l’envers avec un jonc qui viendra subtilement faire le lien entre les faces et les soufflets. Les pouces enfoncent alors les coins et font rouler le cuir, sans abîmer les faces, jusqu’à le retourner totalement.
C’est une véritable naissance.
C’est un pur bonheur de voir ces mains à l’oeuvre, comme une danse ininterrompue, au son des différents outils, les marteaux, les pointes de coupe, la presse, et même si vous tendez bien l’oreille, la cire d’abeille qui glisse sur le fil de lin.